Les moins audacieux diront que Junko est entière. Les autres, qu’elle râle beaucoup et fort et est incapable de passer une journée sans jurer. Elle ne brille pas vraiment par sa complexité, parce qu’elle est un livre ouvert pour qui ne cède pas aux intimidations qui sont son quotidien. Junko, c’est un dragon au grand coeur. Elle fait la gueule, gueule fort, mais est dotée d’une empathie pour les marginaux et les gamines qu’elle a bien du mal à cacher. Ce n’est pas pour rien que le Razors Cut sert de refuge pour quelques soirs à certains paumés (surtout certaines), et qu’elle garde toujours de quoi improviser un repas chaud - instantané - à portée de main. Si une gamine se présente à sa porte, jetée dehors par ses parents ou maltraitée par son copain, elle lui servira autant d’insultes que de boissons chaudes pour la réconforter. Peut-être déplore-t-elle de voir autant de jeunes prendre les mêmes décisions qu’elle et en subir les conséquences, mais elle ne regrettera jamais d’avoir fait ces choix elle-même. Un paradoxe qui nourrit son quotidien et qu’elle ne questionne pas. Il faut ce qu’il faut, Junko a bien l’intention de se faire entendre et de porter la voix de ses soeurs.

Alors certes, elle se montre généralement plus tendre - toute proportion gardée - envers les jeunes femmes qui lui ressemblent. Parce qu’elle se projette, ressent l’injustice qui les touche comme elle a appris à l’encaisser également. Mais elle n’a plus assez de doigts pour compter les marginalisés de tout poils qui ont écrasé les coussins de son sofa. Sa seule limite, c’est les syndicats. Hors de question de s’attirer des emmerdements quand ses propres activités apportent déjà leur lot de dangerosité. Grand coeur mais pas bonne poire. Et les gosses de riche venus chercher le frisson sous la protection de l’argent de papa n’auront droit à rien si ce n’est un vidage de poche en bonne et due forme. Ceux-là n’auront jamais son affection.

Econome en mots au premier abord, préférant les regards équivoques filtrés par ses verres rouges, elle finit par se dérider avec le temps et la porte de prison peut s’ouvrir. Junko devient alors très contente de partager toutes ses anecdotes, les histoires de ses premières descentes avec ses soeurs Sasori. Mais elle ne parle pas de sa famille. Jamais. Peu de gens sont au courant de l’existence de son frère sur lequel elle tente malgré tout de garder un oeil, autant qu’elle le peut.

Un gros tatouage de dragon couvre le haut de sa poitrine jusqu'à son épaule gauche.

• A la naissance, elle paraissait avoir un visage fait pour sourire. Ce qui n’est pas vraiment resté avec le temps.
• Mauvaise élève du fait, entre autres, de sa dyslexie, Junko a vite appris ce qu’était le concept d’injustice et n’a jamais accepté sa situation. Le tout mêlé à son caractère explosif a fait d’elle la bête noire de ses professeurs. De quoi nourrir un cercle vicieux de perte de confiance, d’isolement, de colère et de recherche de sens et d’appartenance.
• Elle rejoint l’Alliance Sasori à l’âge de 16 ans grâce à une élève de son nouveau lycée, établissement qu’elle rejoint suite à un renvoi pour mauvais comportement et langage violent envers ses professeurs. Elle y rencontre une partie de celles qui seront ses soeurs Sukeban. La plupart d’entre elles ont un parcours similaire au sien et elle trouve dans ce groupe un réconfort que ni sa famille ni la société n’ont pu lui offrir.
• Membre brutale et efficace, elle s’épanouit d’une manière singulière avec les Sasori. Junko découvre également à leur contact sa passion pour la coiffure et les modes alternatives et devient officieusement leur coiffeuse attitrée.
• Grâce à ces nombreuses têtes à coiffer à disposition, elle se forme en autodidacte avant de pratiquer officiellement et ouvrir, à vingt-six ans, son propre salon, le Razor Cuts.
• Rapidement, le salon devient un repère de jeunes filles et jeunes femmes rebelles, membres du gang ou non. La majorité de sa clientèle est féminine, mais surtout alternative. Tout le monde y est le bienvenu mais il faut bien admettre que l’ambiance peut y être intimidante pour qui reste encore dans le rang. La musique, la décoration, les odeurs d’oxydants et de parfums bon marché, la faune, tout y est hors norme et divise : certains y voient un trou, d’autres un refuge.
• Depuis quelques temps, elle cherche à reprendre contact avec son petit frère avec lequel la communication a été coupée par ses parents à l’adolescence, quelques temps après son changement d’établissement scolaire. Elle regrette cette distance mais ne sait pas comment s’en débarrasser. Alors, pour l’instant, elle se contente de petits gestes, s’arranger pour le croiser “par hasard”, trouver des informations ça et là sur sa vie avant de faire le grand saut. Vu son manque de finesse, ce n’est pas évident. Mais Junko est têtue et ne compte pas lâcher l’affaire de sitôt. Elle continue de garder l'oeil sur lui et, parfois, sur ceux qui lui feraient du mal pour leur rendre une petite visite.